Wayne Mc Gregor, 41 ans, figure parmi les chorégraphes les plus reconnus et les plus singuliers de sa génération.
Né en 1970 dans le Manchester, il monte la Wayne Mc Gregor Random Dance Compagny à l’âge de 22 ans. Depuis, cette créature au crâne rasé et à la silhouette longiligne, multiplie les collaborations et les supports artistiques créant des ponts entre une multitude de domaines unis par un même objectif : Décomposer et comprendre l’origine du mouvement.
L’œuvre du chorégraphe ne représente pas moins d’une quarantaine de spectacles réalisés majoritairement pour sa compagnie mais également en collaboration avec les prestigieux Royal Ballet de Londres, l’opéra de Paris – avec lequel il réalise Anatomie de la sensation, un hommage au peintre irlandais Francis Bacon – le New York city ballet ou encore le Stuttgart ballet.
Issu des années 90 marquées par le développement de la musique électronique, il tisse une toile entre danse et technologie. Cette dualité est omniprésente dans son univers chorégraphique et l’ensemble de sa mise en scène : Décors, costumes, couleurs, ou enfin, noms des créations : Jacob’s Membrane, Sulphur 16, Digit01, PreSentient, ou encore Alpha.
Le lien entre science et danse caractérise le travail de Wayne McGregor. Guidé par un esprit de chercheur acharné, il trouve dans l’étude de l’anatomie, la neurologie, la cardiologie des clés pour comprendre l’essence du mouvement.
Il se passionne pour le corps en tant que matière, un corps individuel dans sa singularité, ses capacités, ses limites : « Je suis pour la fluidité, j’ambitionne de danser en oubliant les arêtes, les os, les saillies. J’aimerais que le public m’imagine sans os. »
Le documentaire « Going somewhere » réalisé en 2011 par Catherine Maximoff, présente plusieurs aspects du travail qu’il accomplit avec sa compagnie.
Dans les extraits d’Entity, on perçoit dans les séances de répétitions ou de spectacles, la sensation qu’il cherche à obtenir : « Pas d’éléments rythmiques, juste de la souplesse, pas de lenteur juste de la fluidité ».
Les mouvements, tels des ondes, sont marqués par cette fluidité : il n’existe pas de discontinuité gestuelle, pas de point dans la phrase chorégraphique.
S’entremêlant sensuellement ou se répondant par une gestuelle expressive, les corps semblent prendre leur indépendance, ils peuvent être entraînés dans une rapidité extrême ou au contraire une lenteur hypnotique sans jamais perdre cette souplesse.
En collaboration avec une équipe d’informaticiens, il élabore des techniques informatiques en 3 D visant à traduire les gestes en mots afin de créer des phrases chorégraphiques virtuelles.
Filmé et interviewé lui-même, il explique qu’il ne connaît jamais le résultat final d’une création mais qu’il se laisse porter par ce que lui inspire chaque danseur. A travers les notions d’intelligence kinésique et de proprioception, il développe l’idée un langage et d’une pensée du corps et le mouvement en serait la phrase.
Lors de la résidence de la Random Compagny dans un lycée de l’est de l’Angleterre, les danseurs transmettent et expérimentent cette pensée avec les élèves. Ces derniers dessinent des lettres avec leur corps ou tentent d’imaginer comment traduire un mot en geste.
« Il n’y a pas de corps abstrait, tout corps a un sens ». C’est ce sens, cette direction, cette volonté d’aller quelque part qui crée la nécessité du mouvement.
Les 80 minutes du film font du spectateur un témoin mais aussi un chercheur. On se sent impliqués au cœur du mystère que Wayne Mc Gregor tente de percer à travers sa réflexion créative. Peut-être ainsi saisit-on par bribes où se trouve ce « somewhere » où nous emmènent ces corps ?